UNE
STRATEGIE PAYANTE
En septembre 2005, NRJ se lance sur un marché prospère : la téléphonie
mobile. Ce nouvel opérateur propose des cartes de crédit à utiliser
sans limitation de durée. Curieuse proposition dans un secteur
d’activité où tous les opérateurs, étonnamment solidaires, ne
proposent que des cartes de crédit à durée limitée.
Cette
offre commerciale visait essentiellement les jeunes. Politique également
surprenante quand on sait qu’ils sont les plus importants consommateurs.
Ils épuisent pratiquement tous leur forfait.
Mais cette stratégie s'est révélée payante. Pratiquement un an plus
tard, NRJ enregistre plus de 600000 abonnements ! La société se garde
bien de communiquer le nombre d’abonnés qui utilisent ou non
intégralement leur forfait. Avec les uns, les jeunes notamment, NRJ
gagne de l'argent, mais en perd avec les autres, ceux qui utilisent le
téléphone portable occasionnellement.
Jugeant le nombre d'abonnés suffisant, l’entreprise décide alors en
octobre de l'année suivante, de modifier radicalement sa formule en
proposant cette fois des cartes d'abonnement à durée limitée, rejoignant
ainsi les offres tarifaires de la concurrence.
Ainsi, comme les autres opérateurs, NRJ s'aligne sur les pratiques en
usage et bien entendu, sur les tarifs pratiqués par tous. Le prix des
cartes varie entre 10 et 65 euros, pour une période de validité de 15
jours à 4 mois, selon le choix. Les temps de communication, liés aux
prix, se situent dans une fourchette de 22 minutes à 2 heures 50. Il
suffit de comparer les tarifs d'Orange, de SFR ou de Bouygues, pour se
rendre compte de l’équivalence des prix.
NRJ a donc vu juste en proposant cette offre. Pour attirer des abonnés,
il a considéré que l'argument de la carte à durée illimitée serait un
élément de décision déterminant.
Alors bon nombre de clients mécontents s'estimeront arnaqués. Ils
résilieront probablement leur abonnement, mais sur les 600000 inscrits,
la plupart continuera à faire confiance à cet opérateur. Extraordinaire
performance pour une société qui ne possédait aucun abonné.
Cette stratégie a mûrement été réfléchie avant
de la création de la filiale et l’objectif commercial a peut-être été
atteint au-delà des espérances. De nouvelles offres, attractives en apparence,
mais difficiles à comparer avec la concurrence, pourront dès à présent
être proposées pour fidéliser cette clientèle, le but affiché, comme
les autres opérateurs, étant d’offrir des forfaits mensuels qui
obligent les abonnés à téléphoner, afin qu’ils ne perdent leur crédit
mensuel, pas toujours justifié.
NRJ
s'était donné 3 ans pour présenter un bilan équilibré, et au-delà,
assurer un retour sur l'investissement. Certes celui-ci n'est pas trop
important puisqu'en matière d'infrastructure, ce nouvel opérateur a
passé un accord avec SFR, propriétaire du réseau, mais le financement de
cette branche d'activité reste néanmoins important.
Sur un plan plus général, celui de la gestion d'une entreprise, il est
préférable de connaître à l'avance les rentrées d'argent plutôt que
d'estimer celles-ci aléatoirement, car si les abonnements mensuels
représentent des entrées régulières, les rentrées d’argent relatives aux
cartes à durée illimitée, utilisées occasionnellement, ne permettent pas
d’établir des prévisions de croissance pour rentabiliser une entreprise,
donc de dégager des profits.
Si l'on considère qu'NRJ n'a pas d'amortissements à effectuer et ne
prévoit pas de provisions pour maintenir le réseau en l'état, la gestion
de l'entreprise s'en trouve facilitée. Son chiffre d’affaire est
uniquement destiné à maintenir ses structures techniques, de payer bien
entendu l'accès au réseau SFR,
'assumer ses dépenses administratives et charges salariales et surtout,
de faire profiter ses actionnaires des recettes colossales générées. NRJ
a su tirer profit de cette fabuleuse manne que représente le téléphone
portable.
Voilà un bel exemple de création de valeur ou de richesse pour cette
grande entreprise, dont la vocation initiale est la radio. Elle continue
ainsi son expansion.
Même si la plupart d'entre nous, trouve exorbitant le prix d'un
abonnement, la possession d'un téléphone portable est devenu
indispensable.
Les opérateurs le savent bien et comme ce jouet magique donne l’illusion
de s’affirmer socialement, peu importe les dépenses qu’il engendre.
Nous fermons donc les yeux sur ces coûts prohibitifs, mais nous
manifestons notre mécontentement quand le prix du pain augmente de 2 ou
3 centimes.
Cette attitude surprenante fait partie de nos contradictions.
C.
HOMBERT
Novembre 2006